Le consommateur dicte-t-il les choix de distribution ?

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A) Une remise en cause de la distribution par le consommateur

Historiquement créée pour développer la consommation de masse et proposer des produits à des prix moins chers que le commerce traditionnel, les consommateurs ont pris conscience que la grande distribution adoptait parfois des pratiques abusives voire illégales.

Exemples

Quelques pratiques douteuses observées parfois dans la grande distribution :

  • contournement de la loi française en imposant à ses fournisseurs des baisses de tarifs très importantes, sans aucune contrepartie, via une centrale d’achat implantée en Belgique ;
  • demande de ristourne sans véritable contrepartie aux producteurs de fruits et légumes ni même d’engagement d’achat ou de contrat écrit ;
  • revente à perte (paiement d’une amende par Intermarché de 375 000 € pour avoir commercialisé des pots de Nutella de 950 grammes à 1,41 €, soit une ristourne de 70 %.).

En outre, la course à la taille critique face à une mondialisation croissante oblige ce secteur à s’engager dans des stratégies de concentration.

Face à ces géants et au développement de la distribution online, le client modifie son parcours d’achat.

Rappel

Taille critique : taille que cherche à atteindre une entreprise et qui constitue un palier au-delà duquel elle pense pouvoir améliorer sa compétitivité.

B) Un nouveau parcours client

Le client actuel s’attend à trouver une véritable continuité entre point de vente physique et virtuel :

  • il veut être reconnu en magasin et sur le net ;
  • il souhaite donner son avis sur Internet ;
  • il tient à partager son expérience de tous les points de contacts.

Ainsi, à l’ère du multicanal, le consommateur recourt régulièrement à la pratique du RoPo. L’acronyme RoPo (Research online, Purchase offline) désigne un acte d’achat où le consommateur commence sa recherche sur Internet et effectue l’achat physiquement en magasin. Les raisons de ce comportement sont multiples : besoin de vérifier l’objet de l’achat, refus de la livraison ou encore opposition à donner des informations personnelles sur les sites commerciaux.

L’analyse du RoPo est essentielle pour les click and mortar. En effet, il permet :

  • de déterminer l’influence d’Internet et des publicités digitales sur le consommateur et ses habitudes et de mieux cibler les prochaines campagnes marketing ;
  • d’éviter une cannibalisation entre réseau physique et e-commerce ;
  • d’établir des passerelles entre ces deux univers pour qu’un vendeur en magasin s’appuie sur l’historique d’achat, voire de recherches Web d’un client, afin de lui proposer une offre en adéquation avec ses attentes.

Rappel

Click and mortar : se dit d’une entreprise traditionnelle, le plus souvent du secteur de la distribution, ayant ajouté des activités en ligne (click) à son modèle classique (mortar).

C) Une adaptation de la distribution

La distribution doit modifier sa stratégie, repenser son modèle afin de s’adapter au consommateur.

Exemple

De l’Italie à l’Espagne en passant par la France, Carrefour teste ou implante de nouveaux concepts de magasins ainsi que des innovations clients. Le distributeur a compilé tous ces travaux dans cette vidéo.

a) Une optimisation des canaux de distribution

Certaines enseignes intègrent le web dans le magasin : Ipad à la main, les vendeuses identifient le client, retrouvent son profil, les achats précédents et proposent des offres personnalisées.

L’offreur peut choisir entre 3 types de stratégie :

  • la stratégie multicanal : elle consiste à recourir à plusieurs canaux (physiques et/ou virtuels) de distribution en parallèle ;
  • la stratégie cross-canal : elle permet aux différents canaux de distribution d’une entreprise (magasin physique, catalogue, site web, etc..) de fonctionner ensemble, en synergie, plutôt que de se concurrencer ;
  • la stratégie omnicanal : tous les canaux de contact et de vente possibles entre l’entreprise et ses clients sont utilisés et mobilisés simultanément. Une stratégie omnicanal est une réponse aux consommateurs qui deviennent des omniconsommateurs.

À retenir

Pour faire la différence entre ces trois approches, on peut dire que :

le multicanal cherche à multiplier les points de contact de vente avec le client ;

le cross-canal vise à créer une complémentarité entre ces canaux (un site vitrine + un point de vente physique pour vendre les produits) ;

l’omnicanal se concentre sur l’expérience globale du client à travers la complémentarité du digital et des points de vente (application à télécharger dès l’entrée dans le point de vente pour accéder à des informations produit, payer avec son smartphone).

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b) Une transformation des formats existants

Les formats actuels de distribution cherchent à s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs :

  • création d’enseignes plus petites en centre-ville (Carrefour City…) ;
  • développement des drive piéton : modèle de drive urbain qui ne propose pas de places de stationnement pour le retrait des produits achetés. Un drive piéton peut être ou non directement adjacent à un point de vente classique. Le premier à avoir créé ce concept est Leclerc.

Par ailleurs, les enseignes veulent fournir à leurs clients une expérience (comme Apple store, Bang et Olufsen) et emploient différentes techniques :

  • la théâtralisation du point de vente (voir chapitre 2) ;

Exemple

Le point de vente Adidas Paris les Halles met en place un balisage linéaire utilisant les technologies digitales. Des entreprises spécialisées deviennent partenaires des enseignes pour théâtraliser leur point de vente comme Cameleon Group, qui propose des solutions d’aménagement pour Lego.

  • le design commercial : c’est l’art ou le processus de conception d’espaces (aménagement commercial, éclairage, design sonore, design olfactif). Un espace de vente nécessite un aménagement bien particulier, qui dépend de la marque, de son identité et des usagers amenés à arpenter cet espace (voir chapitre 2).

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Exemple d’enseigne qui utilise le design commercial

Enfin, certaines enseignes innovent en créant des points de vente en collaboration avec des grands groupes producteurs. Ainsi, Casino a ouvert à Paris, en partenariat avec l’Oréal, un concept mixant beauté, soins, et plaisirs du quotidien des urbains, le drugstore parisien.

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Le drugstore parisien

c) De nouvelles formes de distribution

a) Le circuit court

Dans ce circuit, intervient au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur.

À savoir

La France dispose d’une définition officielle pour les produits agricoles. Selon le ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture, est considéré comme « un circuit court un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire ».

Un circuit court est souvent considéré comme assurant de meilleurs prix de vente et/ou une meilleure marge.

Les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) sont destinées à favoriser l’agriculture paysanne et biologique qui a du mal à subsister face à l’agro-industrie. Le principe est de créer un lien direct entre paysans et consommateurs, qui s’engagent à acheter la production de celui-ci, à un prix équitable et en payant par avance.

Une AMAP naît en général de la rencontre d’un groupe de consommateurs et de paysans (ou artisans transformateurs). Ils établissent un contrat dans lequel, ensemble, ils définissent la diversité et la quantité de denrées à produire pour la saison. Pendant la saison, et ce de manière périodique (une fois par semaine par exemple), le paysan met les produits frais à disposition des partenaires (en général, les fruits et légumes sont récoltés le matin même de la distribution).

Contrairement à la grande distribution, les consommateurs en AMAP accordent moins d’importance à la standardisation des aliments. Tout ce qui est produit est consommé (alors que dans d’autres cas, ce peut être jusqu’à 60 % de la récolte qui reste dans les champs).

b) La distribution collaborative

Elle consiste à créer un nouveau canal de distribution entre les distributeurs et les consommateurs finaux, basé sur le principe de l’économie collaborative.

Utilisant le modèle C to C, les consommateurs prennent le rôle de distributeur en assurant la distribution des produits ou des services pour le compte d’autres utilisateurs.

Deux exemples sont présentés ici : la livraison collaborative et le supermarché collaboratif.

Exemple 1 : Shopopop, la livraison collaborative

Comment ça marche ?

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Les avantages à devenir Shopper

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Exemple 2 : les supermarchés collaboratifs

Les premiers à s’être lancés dans cette aventure collaborative sont les fondateurs du supermarché Park Slope Food Coop, dans le quartier de Brooklyn à New York, en 1973.

La Louve est le premier supermarché collaboratif à avoir ouvert ses portes en France, fin 2016, à Paris. Les membres doivent acheter des parts sociales et travailler quelques heures bénévolement dans le magasin pour pouvoir y effectuer leurs courses. Ce lieu propose des produits de qualité à moindre coût et constitue une alternative à l’hyperconsommation.