Le texte théâtral et sa représentation

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La mise en scène au théâtre

La mise en scène au théâtre appelle plusieurs conditions qui doivent être réunies : le lieu, les décors, les éclairages, les costumes, la mise en scène, les comédiens et le texte.

A) Le lieu

Tout endroit peut devenir un lieu de représentation théâtrale. Au Moyen Âge, les petites troupes, qui commençaient à se déplacer, installaient partout des tréteaux et des planches en guise de scène. Le théâtre que nous connaissons est un lieu fermé et dédié à cette activité : les premières salles fermées qui existent encore aujourd’hui sont toutes construites sur le même modèle : un orchestre (lieu où il pouvait autrefois y avoir un orchestre et qui désigne la partie centrale du théâtre où les spectateurs peuvent assister à la pièce) et des étages appelés balcons. Le décor est presque toujours le même : fauteuils en velours rouge, rideau de scène souvent rouge lui aussi. Ce décor est souvent rehaussé d’ornementations recouvertes de feuilles d’or. On parle de théâtre à l’italienne, en référence à ses origines.

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Intérieur du théâtre national d’Odessa, en Ukraine

À la fin du XXe siècle, d’autres formes de salles ont été construites, reprenant par exemple l’idée de gradins comme sous l’Antiquité (le théâtre de la Ville à Paris). D’autres conceptions ont voulu établir une réelle proximité avec le spectateur, comme le théâtre d’Orsay alors situé dans l’ancienne gare d’Orsay.

Les théâtres de verdure, dont l’un des plus emblématiques est celui du château de Versailles, construit au XVIIe siècle, étaient à l’origine des espaces en plein air édifiés pour la représentation théâtrale et qui reprenaient la configuration antique, notamment avec une construction en gradins. Mais peu à peu, en raison de la popularité des spectacles et des animations de certains sites en été, les théâtres de verdure ont évolué dans leur conception : créer un espace suffisamment grand pour assurer une représentation de qualité et mettre des chaises pour assurer un confort minimum au spectateur. Ce sont donc des espaces mobiles et éphémères.

Le théâtre de rue repose sur quelques fondements essentiels. Né après 1968, le théâtre de rue a pour objectif d’être plus proche des spectateurs et de créer une interactivité avec les spectateurs. Il utilise le décor de la rue et de quelques accessoires. L’éclairage et les jeux de lumière sont absents, tout comme les systèmes d’amplification pour le son. Les grands festivals de théâtre ont fait une part de plus en plus importante au théâtre de rue. Mais le cadre est de peu d’importance, car une représentation de théâtre de rue trouve sa place dans n’importe quelle commune. Il permet à certaines troupes qui n’ont pas les moyens d’avoir un lieu dédié de présenter leurs créations et ainsi de se faire connaître. Ce type de spectacle s’inscrit donc sous le signe de la frugalité budgétaire.

B) Le décor, les éclairages et le son

La notion de décor a considérablement évolué : tout d’abord grâce aux progrès techniques et à la technologie qui permettent d’utiliser de nouveaux moyens et des jeux d’optiques. Les décors sont plus légers et plus suggestifs. Certains lieux, comme le théâtre de rue ou le théâtre de verdure, ont déjà leur décor.

L’évolution de la conception de la mise en scène a parfois conduit à la création de décors minimalistes, transportés par les comédiens eux-mêmes pendant les changements d’acte, ou à la disparition totale de certains décors, laissant la place à l’imagination du spectateur.

La représentation dans un lieu fermé a bénéficié des progrès dans le domaine de la lumière. Les nouvelles technologies ont permis par le jeu des éclairages d’approfondir l’espace scénique, de mettre en valeur certains jeux scéniques, ou bien par une simple lumière de mettre en valeur un point qui pourrait apparaître comme un détail mais qui est essentiel pour la compréhension de la pièce.

Il en est de même pour le son qui rend le spectacle plus agréable. Le relais des micros et des preneurs de son permet la sonorisation de vastes salles et les pièces peuvent se jouer dans des espaces de plus en plus grands.

C) Les costumes

Longtemps, les costumes ont été en conformité avec la date à laquelle la pièce était censée se dérouler. Aujourd’hui, les relectures théâtrales ou les nouvelles mises en scènes ont conduit à une remise en question du costume. La déstructuration de la tenue (costume incomplet par exemple) ou un costume qui ne correspond pas à la date où devrait se situer l’action de la pièce deviennent symbole de réinterprétation ou de relecture du texte. Cela peut être aussi une forme de contestation culturelle voire politique, en tout cas très souvent fait pour susciter la polémique.

D) La mise en scène

Autrefois, seuls les comédiens étaient responsables de la pièce et de sa bonne interprétation. Le metteur en scène n’apparaît qu’à la fin du XIXe siècle et devient très vite essentiel. Le texte est d’ailleurs parfois mis en retrait au profit de la propre lecture du metteur en scène. Mais son absence, sur le plan du résultat, est parfois tout aussi regrettée : cela montre combien les acteurs ont perdu en influence.

Les comédiens : le comédien est un individu ordinaire qui sur la scène devient un autre : le personnage. Pendant quelques heures, il se métamorphose donc, pour retrouver son identité propre à la fin de la représentation. Il ne faut donc pas confondre les deux.

La pièce de théâtre ne peut exister sans texte ou sans trame, même si aujourd’hui le théâtre d’improvisation a trouvé ses lettres de noblesse, notamment au Canada. Chaque époque pose ses codes et surtout ses contraintes et les pièces qui ne les respectent pas donnent lieu à polémique. Le XIXe et surtout le XXe siècle se sont émancipés de ces contraintes avec une écriture plus libre et une organisation non plus sous forme d’actes et de scènes mais par exemple de « tableaux ». Le texte apparaît donc comme essentiel et la mise en scène doit avant tout transmettre au mieux le message de l’auteur même si les règles établies doivent en souffrir.

À savoir

Les représentations théâtrales sans texte ont toujours existé. Ainsi la commedia dell’arte est constituée de personnages emblématiques comme Arlequin ou Colombine qui peuvent improviser des représentations à partir de thèmes choisis : les personnages étant emblématiques, leur rôle est toujours le même tout comme leurs réactions quelle que soit la situation choisie.

Les différents registres théâtraux

A) L’utilisation des registres

Remarque

Bien que la plupart des registres puissent être utilisés dans l’écriture d’une pièce et son interprétation, ici seuls les registres comique pour la comédie et tragique pour la tragédie seront évoqués.

On appelle registre l’ensemble des outils dont dispose l’auteur pour exprimer les émotions et les sentiments des personnages confrontés à une situation, selon qu’elle soit comique, tragique, dramatique… Le théâtre utilise ces outils car ils sont à la fois fondés sur les situations, les quiproquos, les mots, les attitudes…

Le choix d’un registre est avant tout un moyen pour l’auteur de persuader et de convaincre le spectateur soit du réalisme d’une situation, soit des ressentis des personnages selon l’option choisie (faire rire, pleurer…). L’exploration des registres concerne toutes les formes d’écriture : le roman, la nouvelle, la poésie…

Ne pas confondre

Le niveau de langue : on parle de registre soutenu (le niveau de langage est élevé), de registre courant (le vocabulaire que chacun utilise lorsqu’il s’exprime dans la vie quotidienne) et de registre familier (un vocabulaire qui peut parfois être utilisé dans la vie quotidienne pour signifier une indignation, une colère…). Ce type de vocabulaire évolue en fonction de l’époque : aujourd’hui, on ne parle plus de « pendard » (personne qui devrait être pendue pour son forfait) pour marquer sa colère ou son indignation.

Les mouvements littéraires marquent une époque dans la façon d’écrire : ainsi sont convoqués tour à tour au XIXe siècle le mouvement romantique, le mouvement réaliste… qui tous témoignent d’un regard singulier sur la société et sur l’individu et qui se retrouvent dans la façon de s’exprimer.

B) Le registre comique

Le registre comique se décline en quatre points :

le comique de situation : il s’agit de faire rire à travers une situation inattendue, comme un quiproquo, qui renvoie souvent à un dialogue où chacun évoque son problème ou son point de vue sans jamais se rendre compte qu’il y a une erreur sur l’interlocuteur, ou une mauvaise évaluation de la situation ;

le comique de caractère : on met en valeur des défauts d’un personnage (l’avarice, la préciosité, l’égoïsme…) ;

le comique de mots : il s’agit ici de jouer avec les mots, par l’utilisation des hyperboles (exagération : il est génial), des euphémismes (minorer volontairement son expression : un malentendant pour un sourd)… ;

le comique de gestes : il s’agit de mettre en évidence la dimension comique d’une situation en exagérant les comportements, par exemple les coups de bâton (Molière, Les Fourberies de Scapin).

Il existe des déclinaisons du registre comique qui se traduisent par :

la parodie : où l’on imite dans la dérision le style d’un auteur ;

la satire : qui tourne en dérision certains points de vue ;

l’ironie : qui cherche, souvent en adoptant le point de vue de l’interlocuteur en reprenant le comique de mots ou de situation, à dénoncer la position prise par la partie adverse.

Les objectifs du comique sont de :

faire prendre conscience de l’absurdité ou de la bêtise d’une situation ;

critiquer le comportement de certains ou plus largement de la société ;

redonner une vision plus objective ou plus claire d’un problème, ou d’une question de société.

C) Le registre tragique

Le registre tragique a pour but de montrer l’enchaînement des évènements conduisant à un destin marqué définitivement par la mort. Quoi que fasse le héros, quelles que soient les stratégies mises en œuvre par le personnage, il ne pourra échapper à sa destinée décidée la plupart du temps par des éléments extérieurs (volonté des dieux comme dans Phèdre de Racine, ou par choix contre une décision qui apparaît comme contraire à la justice comme dans Antigone de Sophocle ou d’Anouilh). L’atmosphère y est toujours angoissante.

Mot-clé

Fatalité : destin, force qui détermine les événements et contre laquelle on ne peut rien.

Le vocabulaire retenu est celui de la souffrance, de la mort qui s’approche et de la fatalité.

Tout comme dans le registre comique, la tragédie, au-delà de son registre de référence, le tragique, connaît des déclinaisons à travers le registre pathétique qui exprime la souffrance et la douleur (pathos en grec signifie souffrance, maladie). C’est donc souvent celles-ci qui sont associées au registre tragique, car le héros souffre de sa situation et de son incapacité à s’en libérer. Cependant, le registre pathétique peut être utilisé indépendamment du registre tragique. L’association des deux registres les rend complémentaires et indissociables dans la tragédie.

Les registres tragique et pathétique utilisent des moyens complémentaires pour exprimer l’ensemble des sentiments éprouvés par les personnages : le registre lyrique permet de souligner la dimension tragique et pathétique qui lui est associée ; l’utilisation du « je » permet de mettre en lumière l’ampleur de la douleur et de la peur ressentie. Il en est de même pour la ponctuation (abondance des points d’interrogation qui marquent le doute ou les points d’exclamation qui montrent la souffrance et la révolte du personnage), ou des interjections telles que « quoi ? » ou « hélas ».

Dans la tragédie peuvent apparaître d’autres registres comme le registre épique (voir la mort d’Hyppolyte dans Phèdre qui fait appel à ce registre pour mettre en valeur le courage du jeune homme).

La parole au théâtre

A) Les indications contextuelles

Elles sont données grâce aux didascalies. L’auteur indique, grâce à ces informations placées au début de l’acte pour les didascalies générales, le cadre spatio-temporel, les réactions des personnages, leur état intérieur… Ces indications doivent être suivies par le metteur en scène et par les comédiens. Ainsi, si l’auteur décide que le personnage entre sur scène dans telle ou telle tenue, personne ne pourra remettre en question cette volonté. Il existe plusieurs types de didascalies :

Mots-clés

Didascalie : indication donnée à l’acteur, par le dramaturge, dans son texte. Les didascalies apparaissent souvent entre parenthèses ou en italique dans le texte.

les didascalies initiales : elles indiquent en général qui sont les personnages et quel est le décor ;

les didascalies dites internes : elles montrent comment les personnages doivent rendre compte de leurs émotions et de leurs sentiments intérieurs. Elles sont placées en général à côté du nom du personnage, entre parenthèses et écrites en italique ou bien si les changements intérieurs sont multiples, elles sont intégrées dans le texte mais toujours avec une calligraphie différente.

La manière de s’exprimer est essentielle ; elle utilise le principe de la double énonciation. Cela signifie que le personnage s’adresse toujours à deux interlocuteurs : le ou les personnages auxquels il s’adresse sur la scène et le spectateur. Les messages ou les informations qu’ils donnent lui permettent d’anticiper sur l’histoire ou de rire à certaines répliques car lui seul est parfois capable de comprendre le sous-entendu.

B) Les formes de la parole au théâtre

La parole au théâtre peut prendre la forme d’un dialogue, c’est-à-dire d’un échange entre deux personnages, d’une conversation à plusieurs…

Ce peut être un monologue : il sert souvent à faire progresser l’histoire et cela sous diverses formes. Le monologue, où le personnage est souvent seul sur scène, permet au spectateur de mieux comprendre l’état intérieur du personnage. Parfois, le monologue est dissimulé derrière un dialogue où un des personnages qui doit faire un aveu difficile est aidé par un autre personnage qui intervient peu mais pose des questions destinées à faire progresser l’autre dans sa réflexion et trouver des réponses à ses interrogations ou faire un aveu progressif.

La tirade est une réplique longue faite en présence d’un ou de plusieurs interlocuteurs : elle peut avoir plusieurs rôles : entre autres, c’est une réponse qui peut exprimer des doutes ou des questionnements, ou une réponse définitive et argumentée… Attention, il ne faut pas confondre la tirade et le monologue.

Grâce à l’aparté, le personnage s’adresse directement au public pour lui faire part de ses réflexions intérieures ou du fond de sa pensée face à une situation.